jeudi 5 septembre 2013

Les Chroniques d'une fille indigne : bon sang ne saurait mentir !



Après Les chroniques d’une mère indigne (1 et 2) et Pour en finir avec le sexe, Caroline Allard est de retour avec Les Chroniques d’une fille indigne, recueil de répliques savoureuses et de situations cocasses, fruit de l’imagination débridée de sa petite dernière, Lalie, le tout mis en images par le talent de Francis Desharnais, excusez du peu !

C’est toujours avec une grande joie que le lectorat de Caroline Allard accueille un nouveau livre de l’auteure et blogueuse. Et Les chroniques d’une fille indigne ne feront pas exception à la règle : la bonne humeur engendrée par ce recueil confirme instantanément l’addiction à la plume de Caroline Allard et au coup de crayon de Francis Desharnais.
Au cas où l’on penserait encore que les mots d’enfants sont charmants et attendrissants, Caroline Allard se charge de remettre sur la track le lecteur ému par les petites frimousses. Lalie a de la répartie, et c’est peu de le dire. Ses tirades provoquent évidemment l’hilarité, mais surtout le lecteur se demande pourquoi il n’a pas pensé à dire ça, quand il était dans la même situation dans sa jeunesse. Les petites scènes du quotidien deviennent des gags (et certains ont l’étoffe pour devenir des classiques du genre) irrésistibles de fraîcheur et d’humour.
Les préoccupations et les soucis des petits sont bien là : les expériences culinaires (surtout, ne pas comprendre « gastronomiques »), comment éviter de ranger sa chambre, ce que je ferai quand je serai grand(e), la différence entre mâle et femelle, etc… Pourtant, loin de créer une impression de déjà-vu, Les chroniques d’une fille indigne mettent en scène ces instants typiques de manière inédite, à la fois dans le langage, le rythme et bien sûr les dessins (la partie d’ombres chinoises est un pur moment d’anthologie!). Non seulement, on adore dès la première lecture, mais un des plaisirs récurrents consiste à le laisser à un endroit où on passe souvent, histoire d’ouvrir au hasard ce petit livre et de s’offrir de grands éclats de rire. On l’aime et on en redemande !

Marie-Pierre Laëns
 
Caroline Allard, Les chroniques d’une fille indigne, avec les dessins de Francis Desharnais, Collection Hamac-Carnets, 150 pages, ISBN : 978-2-89448-760

mardi 13 août 2013

Sociologie du zombie : une étude hilarante



La vague d’assaut des zombies continue, mais apporte un tout nouveau regard, un humour 100 % formol et une histoire quelque peu originale avec Comment j’ai cuisiné mon père, ma mère et retrouvé l’amour de S.G. Browne.
Andy est un homme comme les autres. Il a une femme, une fille, des parents. Enfin, il est presque comme les autres : quelques jours après un accident de voiture mortel, il s’est réveillé zombie. Dure condition que la sienne : paria de la société des Respirants (alias les vivants), il vit dans la cave à vin de son père, se fait insulter par des passants dans les bons jours et manque de se faire arracher un membre dans les mauvais. Heureusement, il fait partie d’un groupe de soutien pour zombies…
Avec Comment j’ai cuisiné mon père, ma mère et retrouvé l’amour, le lecteur découvre une nouvelle sociologie du zombie,  à travers les yeux d’Andy. Ce récit à la première personne est émouvant, franchement hilarant, grinçant et noir à souhait. L’auteur semble toutefois avoir changé de cible en cours de route : Andy ne pense pas, n’agit pas en adulte de 34 ans, mais bien en ado. Les balades avec les copains la nuit, les soirées de beuverie dans la cave de papa, l’opposition aux parents qui ne sont là que comme figures autoritaires ou pour incarner l’incompréhension face à la condition et l’identité de leur fils, tout cela fait beaucoup plus référence à un adolescent qu’à un adulte. Le décalage se fait sentir de plus en plus, jusqu’à ce qu’Andy se lance dans une croisade : celle des droits civiques des morts-vivants. Ce combat va le mener en pleine lumière, sous les projecteurs de l’émission d’Oprah, mais également en pleine noirceur dans une cage de la S.P.A. Impossible de dévoiler l’intrigue plus avant sans gâcher le plaisir de la découverte.
Le lecteur se surprend à prendre fait et cause pour ce zombie et ses amis, et ne peut empêcher son cœur de battre plus fort quand tout ce petit monde est en danger. S. G. Browne structure si bien son roman qu’il est presqu’impossible de le lâcher avant la fin. Un très bon coup de la toute jeune maison, Mirobole Éditions sur laquelle on va garder un œil. C’est certain.
S.G. Browne, Comment j’ai cuisiné mon père, ma mère et retrouvé l’amour, Mirobole Éditions, 378 pages, ISBN : 979-10-92145-06-9

Marie-Pierre Laëns

jeudi 8 août 2013

Faîtes entrer Jeanne Laberge !



Avec La valse des Odieux, Sylvie-Catherine de Vailly offre une entrée remarquable et remarquée à l’inspecteur Jeanne Laberge dans la littérature policière québécoise, et aux lecteurs le plaisir de commencer une série policière de qualité.

Tout pourrait se dérouler paisiblement dans ce petit village où tout le monde connaît son voisin, mais une ombre en a décidé autrement. Des incendies, manifestement criminels, commencent à éclater un peu partout. Chacun se terre et apprend à se méfier. Les relations de bon voisinage font place à la défiance, lorsqu’Augustine, surnommée affectueusement la vieille demoiselle, disparaît sans laisser de traces.

Quand l’inspecteur Jeanne Laberge, première femme à accéder à un tel poste dans la police, est chargée de l’affaire au grand dam de certains habitants et certains de ses collègues, elle découvre un village meurtri et notamment une petite fille, Bernadette, narratrice de cette histoire épouvantable. Ces deux personnages apportent une dimension exceptionnelle au roman : entre détermination et innocence, l’enquête avance pour découvrir les coins les plus sombres de l’âme humaine, ce lieu où le meurtre devient un moyen ordinaire d’obtenir ce qu’on veut. Malgré cette noirceur, se dégage un charme indéniable, celui-là même que l’on prête aux petits villages, que l’on qualifie de pittoresques. Et pourtant, rien dans La valse des Odieux ne se limite à un simple particularisme régional. L’action pourrait se passer au Québec, en France, en Allemagne : le propos est universel.
Sylvie-Catherine de Vailly attise la curiosité du lecteur et le tient en haleine de la première à la dernière ligne. Impossible de laisser ce roman, ces personnages attachants, cette intrigue si bien ficelée : La valse des Odieux se lit d’une traite et une seule. Parfait de bout en bout, ce roman pourrait être cité en exemple à tous les apprentis écrivains : des débuts de chapitres qui captivent immédiatement le lecteur, des personnages attachants et bien développés, une intrigue mise en scène avec maestria, une recherche si bien maitrisée qu’elle s’imbrique totalement dans la structure même de ce livre, et ce sans artifice, des pauses pour ménager le suspense au moment parfait. On ne peut que s’incliner devant le savoir-faire de Sylvie-Catherine de Vailly qui écrit, en ce moment-même, une seconde aventure de l’inspecteur Jeanne Laberge. Madame de Vailly, chapeau bas !

Sylvie-Catherine de Vailly, La valse des Odieux, Recto Verso, ISBN : 978-2-924259-00-9

Marie-Pierre Laëns