jeudi 28 février 2013

Chronique d'une tragédie annoncée



Après Tes dernières volontés[i], Laura Lippman ravit à nouveau son lectorat, amateur de suspense psychologique. Quelle finesse et quelle dextérité ! Avec Celle qui devait mourir, Laura Lippman aborde la société américaine dans ses tragédies quotidiennes : les fusillades en milieu scolaire. Contrairement à ce qu’un Européen pourrait supposer de prime abord, l’action ne se déroule pas dans un établissement sensible, mais dans un lycée bourgeois.
À petites touches précises, Laura Lippman peint et dépeint la reconstitution d’un drame, des personnages vrais, un enchaînement d’événements plausible, inéluctable. L’angoisse monte au fur et à mesure des aller-retour dans la vie de ces personnages principaux : trois lycéennes, amies d’enfance, trois jeunes filles qui ont jadis prêté serment d’amitié…
Ce qui frappe dans ce récit, c’est le contraste, presque violent, entre une certaine légèreté, propre à l’enfance, et l’ambiance pesante, ressentie dès le deuxième chapitre quand le lecteur est immergé dans les couloirs de l’école, quelques instants après la fusillade. L’absurde s’installe ainsi et va dominer l’ensemble du roman, tel un démiurge malin ; car c’est lui, qui fait tout basculer. Plus on insiste sur des normes superficielles et plus l’absurde s’installe, prêt à faire basculer les existences. Tapi au cœur de l’égocentrisme, de l’ambition dévorante des étudiantes et de leurs parents, il tire les ficelles jusqu’à ce que chaque personnage devienne une marionnette du destin.
Le talent de Laura Lippman est indéniable. Si le lecteur tente d’y résister, de ralentir le rythme, comme s’il pouvait éviter l’inéluctable, il finit par céder, dévoré de curiosité. Laura Lippman nous emmène là où personne ne veut aller et pourtant, nous la suivons sans hésiter…

Marie-Pierre Laëns 

Laura Lippman, Celle qui devait mourir, Éditions Toucan, ISBN : 978-2-8100-503-1


[i] Paru en grand format aux Éditions Toucan, en décembre 2011, ISBN : 978-2-8100-0443-0 et en format de poche chez Points, en janvier 2013, ISBN : 978-2-7578-2859-5

mercredi 27 février 2013

Attention, cette femme est dangereuse !


Passé quasiment inaperçu à sa sortie, Le Journal Secret d'Amy Wingate est un roman hilarant, tantôt tendre, tantôt cruel, bref irrésistible.
Gare à Amy! Après avoir passé une vie à raser les murs, à se retenir d’exister, elle subit coup sur coup deux gros chocs, celui de la retraite et celui de la ménopause, qui la métamorphosent en harpie. Cette ancienne enseignante vit de véritables accès _ et excès _ de rage, purs produits de déséquilibres hormonaux et de son passé amoureux. Lorsqu’elle aperçoit un jeune homme en train de voler sans vergogne des friandises dans une épicerie de village, son sang se met à bouillir. Et lorsqu’elle voit le même voyou déguster son larcin et la défier d’un regard goguenard, cela en est trop pour Amy, qui le pousse du haut du pont, où il se trouvait…


Point de départ de son journal, cet incident nous permet d’aller à la rencontre d’Amy Wingate, une femme plus vraie que nature, posant un regard extérieur (à tendance caustique) sur nos rapports en société. Willa Marsh parvient à nous faire rire de notre violence intérieure. Plus elle est puissante, plus vous vous esclaffez, mais préparez-vous à rire jaune!

Marie-Pierre Laëns 

Willa Marsh, Le journal secret d’Amy Wingate, Autrement, ISBN : 978-2-7467-1449-6

lundi 25 février 2013

Ses dernières volontés



Quel suspense ! Ce roman m’a littéralement enthousiasmée. Éliza semble avoir une vie parfaite : heureuse en mariage, deux enfants, pas de problème financier… Mais la réalité n’est pas aussi lisse qu’elle le semble : à l’âge de  quinze ans, Éliza, qui s’appelait encore Élizabeth, fut enlevée, séquestrée puis violée par Walter Bowman. Depuis, elle a dû se reconstruire une vie, une identité pour échapper à la victimisation sociale, mais aussi à des réactions agressives de la part du public…
Suspectée de biens des maux, du syndrome de Stockholm à la complicité passive ou active, elle a subi toutes les injures. Depuis, seul son mari est au courant, mais pas ses enfants. Lorsque Walter la contacte depuis le couloir de la mort, c’est tout son passé qui ressurgit.
Absolument incontournable, ce roman met en scène notre manière en tant que société de considérer les victimes de violences. Laura Lippman se joue de nos convictions en matière de peine de mort. Finement ciselée, la psychologie des personnages fait évoluer le lecteur dans un domaine, qu’il ne souhaitait peut-être pas autant approfondir. Captivés par le récit, capturés par le talent de Laura Lippman, nous ne pouvons nous soustraire à sa volonté. Les pages se tournent toutes seules.  Le piège est là, tendu en avant, et nous y sautons à livre ouvert. Un roman capital !




Marie-Pierre Laëns   
              
Laura Lippman, Tes dernières volontés, Points, Seuil, ISBN : 978-2-7578-2859-5