Entrevues

Jeudi 18 avril 2013




L’homme qui avait des fourmis dans la plume : entrevue avec Bernard Werber

         De l’œuvre de Bernard Werber, il se dégage une volonté d’unité, presque systémique, d’une critique, d’une analyse de l’humanité. Avec Les fourmis, il s’agit d’une critique de l’organisation humaine, des sociétés ; du côté des thanatonautes, on a une exploration de la condition humaine en regard de la finitude ; dans la saga des dieux, c’est au tour de la volonté de déité et de l’histoire d’être analysées. Avec La troisième humanité, Bernard Werber commence un nouveau cycle, qui salue le retour de la famille Wells.

         « C’est un clin d’œil. C’est aussi pour que les gens qui ont lu Les fourmis aient le sentiment de retrouver quelqu’un de leur famille ». Pour cette nouvelle trilogie, Bernard Werber suppose qu’il y a eu tout d’abord une première humanité, les géants de l’Atlantide. Un peu avant de disparaître, cette humanité en aurait créé une seconde, issue de l’apocalypse, nous. Alors que la vie moyenne d’une espèce est de 3 millions d’années, nous arrivons au terme de notre espérance de vie. Bernard Werber imagine quelle serait l’espèce que nous créerions pour nous remplacer et nous survivre : une troisième humanité composée d’êtres exclusivement féminins et mesurant 17 cm.
Pourquoi ces êtres ? « Lorsqu’une espèce est menacée, on observe qu’elle a tendance à se féminiser et ses individus à être de plus en plus petits. C’est le cas de certains poissons, qui, alors que leur existence est menacée, deviennent de plus en plus féminins, de plus en plus petits et passent au travers des mailles des filets des pêcheurs ».
Avec La troisième humanité, Werber fait de la terre un personnage à part entière et s’appuie sur les différentes conceptions de Gaïa : « J’ai trouvé intéressant de me placer du point de vue de la Terre, qui a vu passer plusieurs espèces. La terre essaie avant tout de préserver sa structure. Nous sommes des moustiques, qui pompons son sang noir, le pétrole. La terre est un organisme vivant, qui a un cœur chaud. Je ne vois pas pourquoi elle n’aurait pas une pensée, une volonté et une mémoire. C’est une manière de parler autrement de l’écologie, de notre rapport à la nature. Respecter l’environnement, respecter la terre, ce n’est pas de l’écologie, c’est de la politesse. C’est du bon sens et de la logique, mais il y a des gens qui l’oublient ».
Un doux rêveur, Bernard Werber ? Ce serait ignorer sa conception de son métier d’auteur d’anticipation : « Il s’agit d’observer le présent pour essayer de déduire les futurs possibles ou probables. Avec Le meilleur des mondes, Aldous Huxley nous a fait prendre conscience de ce qu’est le clonage et comment les manipulations génétiques pouvaient influencer notre quotidien. Les lois de la robotique, qu’Isaac Asimov a écrites dans les années 40, sont utilisées de nos jours. À nous, auteurs de l’an 2013, de faire le travail de vigie, de surveiller le futur. Écrire est un travail de scrutateur de l’horizon. On regarde le futur, mais on observe également le présent et le passé ». Bernard Werber s’emballe. Passionné, il cite Philip K. Dick et énonce qu’il y a deux questions primordiales, à laquelle nous tentons de répondre : « Qui sommes-nous ? C’est la question la plus difficile. Un clone est-il un être humain ? En fait, nous interrogeons les frontières et les limites de l’humanité avec notamment les cas des fœtus surnuméraires, les androïdes, les personnes en fin de vie. Peut-être que comme dans Philip K. Dick, être humain pourrait-il être un titre d’honneur ».
Les inspirations et les modèles de Bernard Werber sont sans conteste des auteurs majeurs tels Isaac Asimov, Frank Herbert, Philip K. Dick. De son propre aveu, Werber lit peu. « Mais je regarde comment c’est fait, un peu comme on démonte une voiture. Je trouve intéressante la démarche, qui consiste à rendre ça compréhensible pour tout le monde, parce que ce qui est intéressant, c’est de ne pas subir le monde. Pour ça, il faut insister sur l’éducation. Dune a changé ma vision politique du monde. Philip K. Dick m’a fait comprendre ce qu’est la psychiatrie. La démarche de curiosité du monde est sans fin. En même temps que je découvre le monde, je le transmets à mes lecteurs. Il y a une éducation à avoir, mais il faut aussi une sensibilisation : un livre peut nous en ouvrir les portes ».
Un livre fait à la fois figure d’outsider et de ligne directrice dans l’œuvre de Bernard Werber, un livre qui ne relève pas de l’anticipation, ni du fantastique, un livre qui se présente comme une méditation guidée, Le livre du voyage. « Au début, je n’ai pas voulu le publier. Je l’ai fait en une journée. J’ai commencé à écrire à huit heures. Ma compagne voulait que je fasse une psychanalyse. C’était ma réponse. C’était tout ce que j’avais compris dans ma recherche spirituelle. Mon éditeur m’a dit : « Montre-le moi ». Sa fille l’a aimé. Et puis, je me suis rendu compte que ce livre était programmé. Alors, je l’ai un peu réécrit : ce qui était dit pour moi, je l’ai transformé pour le dire au lecteur. C’est mon inconscient, qui parlait dans ce livre ».
À la fin de chacun de ses romans, Bernard Werber indique la liste des musiques, qu’il a écoutées pendant l’écriture. « Je mets de la musique pour les scènes où j’ai besoin de rythme, de poésie. Je n’en écoute pas quand j’écris des dialogues, il faut que je puisse entendre les voix de mes personnages ».

         Si Bernard Werber est un auteur prolixe, c’est avant tout parce qu’il est passionné : « L’évolution de l’espèce humaine, je ne vais pas en faire le tour en trois livres. Cela ne me gêne pas d’écrire plus. Je pourrais sortir un livre tous les trois mois. Mais il y a une sorte de méfiance envers un auteur qui publie beaucoup. Donc, je dois me freiner.
Je me demande : pourquoi il y a des humains, plutôt que rien ? Quelle utilité on a ? Je viens d’ouvrir une porte, pour moi, vertigineuse ». Les lecteurs sont toujours au rendez-vous et aiment à plonger dans ce vertige : La troisième humanité, parue récemment chez Albin Michel, ne fera sans doute pas exception.





Marie-Pierre Laëns
  


Dimanche 14 avril 2013




 Qui êtes-vous Jean Teulé ? Trois questions au père de Fleur-de-Tonnerre.


À le lire, le lecteur se demande qui peut être Jean Teulé. Cet auteur qui s’inspire soit de faits divers, soit de personnages célèbres, soit d’atrocités historiques, et écrit des romans inoubliables, tant par les histoires qu’il relate que par un style irrévérencieux, riche et humoristique. De Villon, Rimbaud, le Montespan à Hélène Jegado, en passant par Alain de Monéys, Charles IX, autant de personnages et d’histoires inoubliables, tantôt loufoques, tantôt cruelles au dernier degré. 
         Jean Teulé est tout d’abord un auteur instinctif : « J’écris quand tout d’un coup, je n’ai plus le choix, quand l’histoire s’impose, quand ça devient une évidence. Ce n’est pas moi qui choisis l’idée. Je deviens le serviteur de l’idée ». Dans le cas de Fleur-de-Tonnerre, tout a commencé lors d’un salon du livre, à Saint-Malo, en Bretagne. Un lecteur offre à Jean Teulé un gâteau, qu’il lui dit être celui d’une empoisonneuse. On comprend que l’auteur ait eu un petit mouvement de recul. Et ce lecteur lui apprend qu’à Rennes, une pâtisserie fabrique le gâteau d’Hélène Jegado, et le vend avec la mention suivante : « garanti sans arsenic ». À défaut de l’empoisonner, Hélène Jegado venait d’ensorceler Jean Teulé : il va enquêter, découvrir que cette tueuse en série a été oubliée de l’histoire parce que son procès s’est déroulé quatre jours après le coup d’état de Napoléon III, qu’elle a fait au bas mot une soixantaine de victimes, qu’elle tuait parce qu’elle se prenait pour l’Ankou, l’ouvrier de la mort. Comme elle a tué également tous les témoins, elle a laissé place à l’imagination, un espace dans lequel le talent de romancier de Jean Teulé s’engouffre pour nous livrer une œuvre délirante, truculente et fantasque. C’est donc par un salon du livre et un gâteau, que l’histoire de ce fabuleux roman a commencé.

         Jean Teulé se laisserait-il guider seulement par son histoire ? Ce serait extrêmement réducteur de le croire. Même quand il dit notamment à propos de Je, François Villon : « Quand j’écris, je suis le premier lecteur… comme si ma main était guidée », on comprend bien que son processus d’écriture repose sur quelque chose de plus complexe, un joyeux mélange de recherche esthétique dans la création d’image, dans l’écriture, une sympathie avec son personnage principal, une mise à distance qui permet l’humour… Car on rit, on rit beaucoup à la lecture de Jean Teulé, et Fleur-de-Tonnerre ne fait pas exception. 
Jean Teulé fait de la laideur non seulement des romans extraordinaires mais également très esthétiques, à la fois dans l’évocation _ la scène dans laquelle Fleur-de-Tonnerre trône sur le lit au milieu de ses « amants tarifés » décédés, comme autant de pétales, se distingue par sa beauté_, mais également dans le jeu d’écriture comme dans L’œil de Pâques. Quelle est sa conception de la beauté ?
« Je ne sais pas. Je n’en sais rien du tout. J’analyse jamais ce que je fais. Je suis comme un pommier. Il fait des pommes, le pommier. Il ne se pose pas de questions. C’est une évidence.
Un livre se fait à deux. Il n’est complet que quand il est lu… sinon, c’est juste un tas de papier. Je comprends mes livres, quand j’entends les lecteurs m’en parler.
En parlant de L’œil de Pâques, c’est un livre très particulier pour moi. J’y ai un attachement très fort. Il n’a pas vraiment été compris par le public. Mais puisque vous l’avez aimé, vous faîtes partie de mes amis ».
         Prompt à lancer une boutade, Jean Teulé s’amuse à déstabiliser gentiment son interlocuteur, à le surprendre. Il rit et son rire semble dominer l’ensemble de la salle et lui communiquer sa bonne humeur. Le roman parfait ? « Une sorte de fantasme que je ne pourrais jamais écrire. Ce serait un gigantesque orgasme… oui, c’est ça… à la fin, les lecteurs seraient déchirés, auraient un tel orgasme qu’il ne pourrait rien exister d’autre sur la planète. Ce serait un livre abstrait, avec pratiquement pas d’histoire… » . Fascinant, l’auteur sème les vraies et les fausses pistes et décidément n’a pas fini de nous surprendre. Quand on lui dit qu’il crée la dépendance à son style et à ses histoires, il avoue : « J’ai décidé de devenir une drogue dure !». Tout est sérieux et rien ne l’est. C’est peut-être ça, le secret de son humour…


Marie-Pierre Laëns
 


Samedi 13 avril 2013



Pas fâchée de le rencontrer : trois questions à Stéphane Dompierre.

C’est avec un sourire que Stéphane Dompierre, après avoir pris le temps de me faire une jolie dédicace sur mon exemplaire de Fâché noir, a répondu à mon mini-questionnaire à l’occasion du Salon International du Livre de Québec. Il n’avait pas vraiment l’air fâché, l’auteur. Pas grognon, non plus.

         Celui qui se moque de nos petits travers et de ceux de notre société confie facilement que dans ses chroniques, il lui est arrivé seulement une fois d’être réellement fâché. Cette chronique date du 13 mai 2011 et s’intitule : Fâché noir contre les incultes. En fait, Stéphane Dompierre était (et est toujours) fâché contre Nathalie Elgrably-Lévy parce qu’ « elle fait semblant de ne pas comprendre. Elle voudrait que seuls les auteurs, qui vendent beaucoup soient édités. Elle se demande pourquoi on finance les artistes. Elle est économiste. Elle est capable de comprendre et de mémoriser des modèles. » Pour ceux qui ne l’ont pas encore lue, cette chronique férocement drôle est en ligne : http://fr-ca.etre.yahoo.com/f%C3%A2ch%C3%A9-noir-contre-les-incultes.html.
« Mais c’est vrai que pour une prochaine chronique, je suis un peu fâché. Fâché contre le discours ; « je paie avec mes taxes ». Je suis très content de payer mes taxes, de faire partie d’une société où les taxes sont redistribuées et je suis fâché contre ceux qui râlent ».

         Stéphane Dompierre se partage à nouveau entre deux kiosques cette année, chez Québec-Amérique au stand 298 pour Fâché noir et chez VLB Éditeur au stand 157 pour L’Orphéon- Corax, deux œuvres très différentes. « C’est curieux. Je me rends compte, d’année en année, que les lecteurs repèrent les maisons d’édition. Cela m’étonne à chaque fois ».

         S’il lui arrive souvent d’être presque fâché, Stéphane Dompierre n’hésite pas à partager ses coups de cœur littéraires : « Je n’ai pas vraiment d’idoles littéraires, parce que je ne suis pas dans l’idolâtrie. Mais, Emmanuel Carrère, La classe de neige… tout est là-dedans. Jean-Philippe Toussaint,… c’est un auteur belge. Oui, surtout ses premiers : La salle de bain, Monsieur, L’appareil-photo. Il me fait rire. Son style est très elliptique. L’humour vient de là. C’est l’auteur que je relis le plus ».

         Pendant quelques minutes, Stéphane Dompierre est devenu libraire et m’a donné envie de découvrir de nouveaux textes. On aime quand il se fâche, mais aussi comme ce soir, quand il fait partager ses coups de cœurs, ses classiques. Une brève rencontre, mais une belle rencontre.

Marie-Pierre Laëns





Mercredi 10 avril 2013


Trois questions à Marc Levy 




Au Salon International du Livre de Québec, il est possible de rencontrer les auteurs que vous aimez, et pas n’importe lesquels. Entre deux signatures et plusieurs entrevues, celui qui définit le métier de romancier comme étant « l’art de fabriquer des images dans la tête du lecteur à partir des mots », Marc Levy, a eu la gentillesse de répondre à mon mini-questionnaire.

         Parlant de sa vie à New York, « une ville où chacun est content d’apporter sa pierre à l’édifice », Marc Levy explique en quoi cette métropole influence son processus de création : «   New York a une identité patchwork. Quand on est en contact avec autant de diversités culturelles, on a une vision du monde très en couleurs. Cela élargit l’horizon d’écriture. Mais je n’écrirais pas en Anglais. Je n’aurais pas de plaisir à écrire dans une langue qui n’est pas la mienne. J’aime ma langue et j’en suis fier ».
C’est sûr, le succès de Marc Levy agace. Il l’avoue lui-même sans ambages : « Je préfère être moins bien reçu par la critique et être aimé du public, plutôt que de me glorifier, comme certains auteurs, d’être encensé par la critique et que le public m’ignore ». À savoir si, avec les années, il est plus, ou moins sensible à la critique, l’auteur hésite un peu : « … C’est un peu les deux, je crois. Avec le temps, on est moins sensible à la critique bête et méchante, mais on est plus sensible à la critique constructive ». Un peu plus tôt dans la journée, Marc Levy avait raconté que Guillaume Durand (animateur bien connu de la télévision française) lui avait offert Ceci n’est pas de la littérature… : les forcenés de la critique passent à l’acte (une anthologie de critiques, de caricatures, colligée par Sylvie Yvert, qui montre que les plus grands écrivains ne firent pas l'unanimité à leur époque et ne furent reconnus bien souvent qu'après leur mort. Éditions du Rocher, ISBN : 978-2-268-06477-2) et avait souligné le fait que « les auteurs populaires se sont souvent fait agresser par les critiques littéraires ».
Loin de se contenter d’exploiter un filon, Marc Levy explore sa vision de l’écriture : « À chaque roman, je prends un risque, je change de registre. C’est un saut dans le vide. La variété, la diversité dans mes romans, c’est ce que mes lecteurs attendent chaque année. L’écriture est un espace de liberté extraordinaire. Pour mériter ce territoire de liberté, il faut l’explorer ».

Avec 28 millions d’exemplaires vendus, traduit en 46 langues, Marc Levy se caractérise sans nul doute par une générosité et un respect de ses lecteurs sans pareil : « J’espère que j’apprends à chaque livre. La diversité de mes romans est une responsabilité que j’ai envers mes lecteurs ».

Marie-Pierre Laëns



Samedi 6 avril 2013



 Une rencontre inoubliable : entrevue avec Louise Lacoursière





À peine venait-elle de recevoir son quatrième prix des lecteurs du Salon du Livre de Trois-Rivières, que Louise Lacoursière acceptait gentiment de m’accorder une entrevue téléphonique. C’est donc mardi matin que j’ai eu le plaisir de m’entretenir avec une femme généreuse, à l’écoute de ses lecteurs.
        Loin d’être blasée par ce quatrième prix, Louise Lacoursière est très émue : « Cette année, je ne m’y attendais pas du tout. C’est touchant. Il y avait beaucoup d’auteurs présents au Salon du Livre de Trois-Rivières, édition 2013. Ce coup de cœur du public m’a fait un coup au cœur ». Car cette année, les visiteurs du Salon du Livre de Trois-Rivières devaient répondre à une question, et pas n’importe laquelle : Qui est votre auteur préféré ? Rien de moins. On comprend dès lors l’émotion ressentie par celle qui reconnaît que ses lecteurs lui apportent une motivation forte et continue : « Quand un matin, je n’ai pas envie de me lever, cela arrive, je pense à mes lecteurs. Ils me donnent le courage de me mettre en action ». Il faut dire que Louise Lacoursière est loin d’être une auteure distante. Elle a reçu beaucoup d’échos de son lectorat à propos des deux premiers volumes de La Saline. « Dans mes moments de doute, je vais relire ces messages-là ».
Si certains auteurs rencontrent soit la faveur du public, soit celle des critiques, il en est différemment pour Louise Lacoursière, qui recueille tous les suffrages. Le très respectable magazine Lettres québécoises rapportait dans son numéro de l’hiver 2012 : « Le portrait de ce Québec aux frontières de la modernité est dépeint avec brio par Louise Lacoursière. La lecture est intrigante et enlevante dès les premières lignes. Si les lieux ont réellement existé, l’histoire de L’imposture [le premier tome de La Saline] est pure invention, et c’est peut-être parce que l’auteure ne tente pas de « raconter » un événement historique, mais bien de créer une intrigue à une certaine époque que la lecture est aussi prenante ». À ce propos, l’auteure, modeste, reconnaît que cet hommage l’a touché. « On dit souvent que si c’est populaire, ce n’est pas bon. Un article comme celui de Lettres Québécoises apporte une sorte de légitimité de la profession. C’est aussi important pour un auteur ». Car La Saline rencontre un vaste lectorat. C’est une série qui intéresse autant les médecins (le personnage principal, le Docteur Pelletier, est médecin et grâce à la rigueur du travail de recherche de Louise Lacoursière, suit les procédures médicales exactes de l’époque), les infirmières que les universitaires, mais aussi bien d’autres personnes issues de milieux et de professions complètement distincts.

Louise Lacoursière considère les hommages, qu’ils viennent de ses lecteurs ou des professionnels du monde du livre, comme autant de chances. « Oui, cela ajoute un peu de pression. Mais cela agit comme un stimulant également ». Lorsque je lui rappelle que rares sont les auteurs à voir leur livre réimprimé au bout de seulement 6 semaines de mise en marché et qu’il est encore plus rare de lire cela dans des journaux généralistes et destinés au grand public, Louise Lacoursière répond simplement : « Le milieu de la publication vit des temps difficiles. On est content de voir ce succès-là. Les journalistes relaient et diffusent cette bonne nouvelle. Il y a une belle synergie ».
        La Saline est certes une belle histoire, qui se déroule à la Belle Époque. Mais La Saline offre ce petit plus qui fait toute la différence : par ses talents de recherchiste et d’écrivain, Louise Lacoursière met en scène la grande et la petite histoire, éveille la fierté d’un peuple en célébrant ses héros. « Grâce aux dialogues, on soutient l'intérêt des gens. C’est important dans le travail d’écriture. Cela permet d’alléger la sècheresse des seuls éléments historiques. Et en même temps, le lecteur ressent une véritable adhésion à l’émotion d’un moment. Écrire une discussion animée entre plusieurs personnages au sujet des élections permet au lecteur de les vivre dans leur intensité.» À propos de l’époque à laquelle se déroule l’histoire de La Saline, Louise Lacoursière ne peut que souligner l’œuvre d’Honoré Mercier, « le premier ministre nationaliste. On profite encore de ses visions : c’est lui qui est à l’origine de la présence des bibliothèques partout dans la province, de la multiplication des écoles de rang »

Tentée par la vie à cette époque ? « Pas du tout. Je ne cède pas au piège du bon vieux temps. Je vis très bien et je suis très bien à mon époque, dans laquelle je suis maître de mon corps et de mes choix. Il ne faut pas oublier que le bon vieux temps, c’était surtout synonyme d’obligations pour les femmes, de mortalité aussi : mortalité des femmes (la longévité des femmes en 1890 n’était que de 43 ans et pour les hommes, 41 ans), mortalité infantile. J’ai vécu l’arrivée de la contraception, la possibilité de s’instruire, l’indépendance financière et la liberté d’avoir des enfants quand on le veut. J’ai eu deux enfants et j’en suis heureuse. Si j’en avais eu douze, c’est sûr que je n’aurais pas eu la même vie ».

Si on connaît et reconnaît l’importance de l’Histoire dans la famille Lacoursière, entre un père imprimeur, notamment de l’hebdomadaire L’histoire  aux préoccupations nationalistes, un frère que l’on ne présente plus et qui l’a entre autres initiée à la recherche, la rendant accessible et passionnante, Louise est avant tout une femme de son époque, qui utilise les moyens électroniques pour travailler où qu’elle soit dans le monde. Et La Saline dans tout ça ? Après le troisième volume qui paraîtra l’automne prochain, même si elle assez de matériel pour écrire encore, Louise Lacoursière préfère laisser cette belle institution aux faîtes de sa gloire. La Saline, c’est « l’espoir dans l’épreuve » et son auteure entend que cela demeure ainsi pour ses lecteurs. 



Marie-Pierre Laëns





 Mercredi 3 avril 2013

Une heure pour effleurer une vie : entrevue avec Madeleine Gagnon


        Elle est toute petite, mais elle dégage une présence qui la grandit : Madeleine Gagnon, la grande dame des lettres québécoises, était là devant moi au restaurant Il Teatro en ce lundi 25 mars. Je venais d’achever la lecture de Depuis toujours, son dernier opus, publié chez Boréal et j’étais encore sous le charme de ce texte fort.

        Contrairement à la grande majorité des autobiographies, ce livre de Madeleine Gagnon ne commence pas par « je suis née tel jour à telle heure », mais par le récit d’un amour, celui d’Auguste et d’Adéla et celui d’une mort. « Au début du livre, je ne savais pas que cela allait être une autobiographie. Depuis toujours respecte le temps de l’écriture. C’est au bout de six chapitres environ, que je me suis rendue compte que le récit que j’étais en train d’écrire était autobiographique ». Dans ce récit, Madeleine Gagnon se livre complètement : c’est tout son parcours littéraire mais aussi celui d’une femme engagée qu’elle nous offre. Cet exercice d’écriture plonge le lecteur dans l’intimité de l’auteure ; ce qui peut se révéler intimidant. « À la fin de Depuis toujours, je me suis interrogée sur ce qui relevait du narcissisme dans ma démarche et j’ai fait à la fois le procès de l’autobiographie et celui de l’écrivaine. Quand on finit un livre, on peut vivre une véritable dépression post-partum. Il y a la peur de laisser son livre à d’autres : cela crée une espèce de vertige d’être soumis à leur lecture. J’ai ressenti une peur de ne pas être aimée, d’être rejetée, une peur que je n’avais jamais eue pour un autre livre ; sans doute parce que Depuis toujours est le plus intime ». Grave, Madeleine Gagnon rapproche cet accouchement littéraire du sentiment de finitude : « Quand on arrive dans la vie, on ne se pose pas de question. Mais quand on entrevoit la fin, l’angoisse naît avec la possibilité de la mort. Terminer l’écriture d’un livre, c’est une sorte de mort envers soi. Le livre commence alors sa vie dans le public ».

        À la lecture de Depuis toujours, on voit et ressent la révolte de l’écrivaine, qui mène sa vie dans l’affirmation de sa liberté propre et celle des femmes en général. « La révolte est le premier stade au début de l’apprentissage de la liberté, dans une société qui a été assez étouffante dans ma prime jeunesse. Le premier pas pour entrer dans la liberté, c’est le refus. Le refus initie le mouvement vers la liberté ». Madeleine Gagnon fait alors un parallèle avec l’esclavage : « Il fallait casser les conditions de l’esclavage. Voilà le rôle du refus. Il a eu la même fonction pour les femmes à l’égard du pouvoir des hommes, notamment celui des papes ». Madeleine Gagnon s’enflamme : « On vient de vivre une véritable folie médiatique pour l’élection du dernier pape. Cet engouement, je me l’explique en partie par une peur d’une autre religion, l’Islam de la conquête : le pape devient alors une valeur sûre. L’extrémisme chrétien de la droite fondamentaliste accroit son audience. Lors de la révolution tranquille, quand on a tout balayé, on n’a pas fait l’analyse de ce qu’on abandonnait et pourquoi. C’est le retour du refoulé ». L’auteure explique qu’il y a beaucoup de choses qui la révoltent dans la religion. Elle pourrait en parler pendant des heures. « Les trois monothéismes ont été pensés, organisés par des hommes. Un Dieu fait homme, mais une mère vierge : c’est d’une absurdité totale. Ils ont imaginé la maternité d’une femme vierge ! C’est pratique avec la notion de mystère, il n’y a rien à comprendre ! Ici, l’emprise de la religion catholique romaine était très forte et réglait la vie des femmes. Elles étaient obligées, mais souvent très révoltées. Ma mère l’était, le disait ».

        Madeleine Gagnon est une femme de conviction, passionnée. Les révoltes, on les voit bouillir dans son écriture, on les sent exploser dans son regard. Même en amour, elles sont là, présentes : « Le problème de l’amour heureux, c’est d’être constamment tiraillé entre le désir de fusion, la symbiose et le désir de partir, de trouver sa liberté dans la solitude. Le plus révoltant, c’est dans l’amour malheureux, la domination du mâle sur la femelle. » Madeleine Gagnon fait alors référence à un événement de sa vie, qu’elle relate dans son récit, Depuis toujours, celui où son conjoint déchire tous les petits mots qu’elle lui a envoyés lors d’un de ses voyages. « Déchirer ces petits papiers, c’était un viol symbolique. L’écriture, c’est de l’intime. La déchirer, c’était me violer ».
L’amour, la mort, ces thèmes reviennent de manière récurrente dans Depuis toujours au rythme de la vie et Madeleine Gagnon leur consacre des pages superbes. La mort cristallise sa plus grande révolte. « C’est épouvantable. On ne sait pas pourquoi, ni où on s’en va, c’est absurde. Lorsque j’en ai pris conscience, j’avais dix ans, je sortais d’un cours de religion. J’étais hors de moi, je jetais des oreillers contre le mur. Ma mère ne savait pas quoi faire devant cette révolte et cette angoisse épouvantables ». La petite fille révoltée, hors d’elle a mûri et on peut croiser la femme, qui dans Depuis toujours tient à accompagner les siens dans leurs derniers instants. « Dans les derniers moments, on fait ce qu’on peut. C’est important d’être là, au moment du passage. Il y en a qui refusent, refusent la proximité et qui la ressentent comme une promiscuité ».
Plusieurs passages de Depuis toujours entraînent chez le lecteur de fortes réactions : « le jumeau d’adèle », fabuleux texte sur les derniers instants de la vie, l’angoisse de l’enfermement dès l’arrivée de la petite Madeleine chez les Ursulines de Québec, l’humour et la vitalité qui traversent le livre de part en part, l’accouchement qu’elle appelle, loin de tout horizon politiquement correct, « le carnage ». Il n’y a pas de demi-mesure, parce que dans la vie de Madeleine Gagnon, rien n’est en demi-teinte. 

        Parmi tous ses voyages, elle  a été marquée de manière indélébile par ce qu’elle a vue au Kosovo plus particulièrement, mais en Bosnie aussi. « Comment le viol des femmes kosovares, donc musulmanes, étaient systématiques. Ils avaient créé des bordels, exprès pour les violer. Et violer une musulmane, c’est l’enlever de sa culture. C’est un rapt culturel. Violées, elles sont moins que rien. Elles n’existent plus. C’était un moyen de purification ethnique ». Sur le sujet, Madeleine Gagnon ne peut retenir la colère qui gronde en elle : « J’ai fait le même constat dans tous les pays que j’ai visités et où il y avait la guerre ; quelle que soit la guerre, quel que soit le pays, le viol est une arme de guerre et le corps des femmes est un butin. Ce n’est que récemment que le viol est officiellement reconnu comme un crime de guerre. Au Kosovo et en Bosnie, les O.N.G. internationales venaient pour installer des cliniques « de brousse » pour venir en aide à des femmes qui ont subi les viols et qui ont mis au monde les enfants du viol. Elles avaient besoin d’aide ».
On pourrait écouter pendant des heures celles qui a suivi les enseignements d’Antonine Maillet, Paul Ricoeur, Ferdinand Alquié et en fermant Depuis Toujours, on a l’impression d’avoir reçu une leçon magistrale donnée par un très grand professeur. « Ce livre a été un dur accouchement. Je suis contente d’avoir pu l’écrire. Il faut le faire si on veut sortir de ce qu’on a vécu ». Évoquant les petites et les grandes morts qui ont jalonné sa vie, son regard devient songeur : « le plus terrible est le désamour, ne plus aimer la personne que l’on a aimée. Quelque part, c’est aussi une partie de soi qu’on abandonne, qu’on n’aime plus ». Madeleine Gagnon souligne, comme dans son livre, combien peu de femmes ont pu écrire tout en ayant un compagnon : Colette, George Sand, Annie Leclerc, Gabrielle Roy (pour cette dernière, elle ajoute : « Mais elle avait un chevalier servant, elle a eu de la chance »). De la difficulté de trouver l’équilibre entre la passion de l’écriture et la vie amoureuse, elle résume ce qu’elle écrit si bien : « Je ne pourrais pas être 24 heures sur 24 avec cette personne. Elle non plus d’ailleurs. Quand on écrit, il faut savoir négocier : élever ses enfants, écrire, enseigner… On est plus forte à 30 ans qu’à mon âge, que je n’ose pas dire! »
 
À celle qui se livre quasiment corps et âme dans son récit, dans un jeu d’écriture pudique et puissant, on a envie de demander et demander encore de continuer de partager toutes ces expériences qu’elle fait jaillir dans Depuis toujours. Sa petite madeleine ? « Une odeur, qui me ramène… (chaque ville, chaque village, chaque lieu a une odeur. Quand je la sens ailleurs, je bascule.), une odeur de café, de cigarette et d’urine aussi (mais ça a changé, à l’époque c’était ça) qui me ramène à Paris, à Montparnasse ». Pas question pour autant de tomber dans la nostalgie. Madeleine Gagnon a toujours et encore des projets. « Mon but, c’est d’écrire jusqu’à mon dernier souffle. Mon rêve serait d’écrire sur le dernier passage. Là, il faut que je me repose de ce livre. Mais j’ai un peu un projet comme ça. Benoîte Groult l’a fait d’une certaine manière, mais ce serait différent ». Laissons-la écrire. Elle nous laissera la lire.


Marie-Pierre Laëns


 Une heure en compagnie de Joanna Gruda.

Jeudi 14 mars 2013, 9h52.

 

 Quand je suis arrivée devant le restaurant du Capitole, j’ai regardé à travers la vitre. Elle était là, en train de clôturer sa précédente entrevue. Un peu nerveuse, j’ai attendu en retrait qu’elle termine et j’ai pris une profonde inspiration avant d’entrer. Joanna Gruda, l’auteure de L’enfant qui savait parler la langue des chiens, a le don de mettre son interlocuteur à l’aise.

Contrairement à plusieurs premiers romans, celui-ci n’est pas autobiographique, toutefois L’enfant qui savait parler la langue des chiens raconte l’enfance du père de Joanna Gruda, pendant la seconde guerre mondiale entre la Pologne et la France. Évidemment, son père lui avait raconté plusieurs anecdotes, mais le jour où elle demande pour la n-ième fois, s’il va l’écrire et la publier et qu’il répond par la négative, Joanna Gruda est triste. « Mes sœurs disent qu’elles ne s’en souviennent pas, mais nous nous sommes regardées toutes les trois en se demandant laquelle d’entre nous allait écrire cette histoire incroyable ». Car il s’agit de ne pas perdre ce patrimoine familial ; raconter est une nécessité. Alors, Joanna Gruda va interviewer son père et l’enregistrer pendant plusieurs semaines. Le roman ne s’écrit pas pour autant immédiatement : « Il a mis quelques années à murir. J’alternais l’écoute des enregistrements et je retournais à la prise de notes. Un matin, je me suis levée avec le premier paragraphe en tête[1] ». Son père devient alors le témoin privilégié de son écriture ; elle lui fait lire des passages et il les commente. 


Si elle croit de prime abord que le sujet d’un roman doit être extraordinaire, c’est que Joanna Gruda se réfère nécessairement à son père, son héros de roman et dans la vie. Mais elle pondère son propos : « Dans ce cas-là, oui le sujet du roman est extraordinaire, mais cela dépend des auteurs. Certains ont le talent d’écrire à partir de rien, de petites choses pour en faire de merveilleux romans ». 

Prises dans le feu de la conversation, nous nous autorisons une petite digression au sujet des écrivains qui l’ont marquée : Duras, « C’est vrai, mais c’est loin », Proust, « un excellent professeur de littérature me l’avait fait lire. Qui prend le temps aujourd’hui de lire tout À la recherche du temps perdu », Romain Gary « avant les enfants, je le relisais souvent », Agota Kristof, Haruki Murakami et ses Chroniques de l’oiseau à ressort, livre avec lequel Joanna Gruda semble avoir un litige personnel, « il porte malheur », Ducharme et tout d’un coup, elle s’emballe, « L’écume des jours, Boris Vian. Là, je me suis dit : on a le droit d’inventer, d’aller jusque-là. Cette lecture a été libératrice ! ».

Joanna Gruda, c’est aussi ça : l’enthousiasme, la générosité, le don de vous donner l’impression qu’elle vous offre des confidences. (Elle pouffe quand elle m'avoue que lorsqu'elle a annoncé à ses amis qu'elle venait d'accoucher, ils ont cru qu'elle venait d'avoir un autre enfant, alors qu'elle parlait de son roman). Autant de qualités que l’on retrouve dans son écriture. Quand je lui demande si son père a lu son livre, elle me répond : « J’ai toujours son exemplaire dédicacé. J’oublie toujours ! Mais il a lu les versions finales et d’ailleurs, cela a réveillé sa mémoire. Il me demande pourquoi je n’ai pas parlé de ça et de ça, mais lui-même ne m’en avait pas parlé ». 

L’écriture, Joanna Gruda la relie à son métier de traductrice. « J’ai l’habitude d’écrire tous les jours. De fait, j’ai un œil critique pour la construction des phrases. Traduire, c’est aussi rendre des styles, ce que d’autres ont écrit ». L’enfant qui savait parler la langue des chiens se distingue par son style simple, efficace, presque dépouillé. « J’ai tendance à aller vers un style simple. Ce qui est souffrant en tant que traductrice, c’est de devoir rendre un texte lourd ». Son métier a accentué son envie de trouver son propre style. Enthousiaste, Joanna Gruda explique que le structurer l’amuse. « J’ai déjà écrit des nouvelles. Pour le roman, c’est la même chose, mais il faut écrire un texte plus long, une histoire plus longue d’un même souffle ». Joanna Gruda, passionnée, est tout à fait le genre de personne à suivre un cours d’écriture juste pour elle-même, sans autre but que le plaisir et le dépassement de soi.

 Dans L’enfant qui savait parler la langue des chiens, le changement et l’adaptation au changement sont des thèmes omniprésents. « L’être humain est réfractaire au changement. Selon moi, c’est une grave erreur. Dans la vie, rien ne persiste, tout se défait. La vie, c’est le changement. La nature humaine est en conflit avec la vie. C’est fou que le connu difficile soit plus rassurant que l’inconnu. C’est ce qui explique que des femmes battues restent avec leur conjoint. C’est fou ce que la peur du changement peut faire sur les humains ». On comprend dès lors l’autre importance de ce récit, qui est de vivre le changement, vivre le moment présent pour pouvoir traverser les bouleversements de l’Histoire. Joanna Gruda en est intimement persuadée et l’histoire de Julek vient appuyer cette conviction. Sinon comment un enfant aurait-il pu survivre à ses changements d’identités, de pays, de langues, à l’Occupation, si ce n’est en vivant le moment présent en faisant un feu d’artifice avec les fusées allemandes ou en glissant une main sous les jupes des filles ? Ce roman est habité d’un élan de vie, qui le traverse de part en part, tout comme son auteure. 

Selon Joanna Gruda, écrire est un acte qui « demande énormément de courage. J’ai toujours beaucoup d’autres choses à faire quand vient le temps. Cela me prend un coup de pied au cul incroyable pour m’asseoir et écrire ». Pour celle qui le fait avec autant de sincérité, le processus d’écriture est long. Son prochain roman ? « Ce n’est pas encore assez clair. J’ai le désir de faire une fiction, mais c’est difficile. Je laisse l’idée se décanter. Le doute est régulier. Je ne suis pas encore dans le processus d’écriture. Je voudrais sortir d’un récit chronologique. Pour L’enfant qui savait parler la langue des chiens, c’était difficile de ne pas écrire ainsi. J’aurais pu faire des aller-retour, mais cela ne dépendait pas de moi… Je veux aller vers quelque chose de moins linéaire… ».

Armée de son talent d’écrivain, Joanna Gruda ne peut que nous surprendre. Quand à peine son premier roman terminé, le lecteur a envie de le relire, l’auteure, elle, pense déjà à écrire. 

Marie-Pierre Laëns

Joanna Gruda, L'enfant qui savait parler la langue des chiens, Boréal, ISBN : 978-2-7646-2216-2



[1] « Quand j’étais petit, j’avais des parents. Et aussi, un oncle et une tante. Après, on m’a mis à l’orphelinat. Puis ça a été la guerre, comme pour tout le monde. Après la guerre, j’avais des parents. Et aussi, un oncle et une tante. Mais ce n’étaient plus les mêmes ».

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